Nous avons le plaisir de vous emmener au coeur de la Préfecture de Gunma pour vous conter une nouvelle histoire de kura qui renait grâce à l'entrain de la nouvelle génération. Si ces récits de brasseurs revenus au bercail après une expérience urbaine sont légion, ils sont souvent l’occasion de découvrir le parcours atypique des protagonistes et de constater que leur contribution à l’industrie du saké est loin d’être neutre. Il y a ceux qui font mieux en soignant les détails, en mettant à jour les méthodes familiales, en modernisant les équipements, et puis il y a ceux qui font mieux en opérant un changement radical. Tsuchida Shuzo est de cette trempe avec un pari vraiment audacieux consistant à utiliser des techniques moins interventionnistes et plus proches des mécanismes naturels qui entourent la fermentation. On vous raconte tout !

les rivieres dans le village de Kawaba, Préfecure de Gunma, Japon
Dans les environs de Numata, "le lieu des rivières"

LA BRASSERIE DE TSUCHIDA SHUZO
Tsuchida Shuzo fut fondée en 1907 dans la ville de Numata, au cœur de la Préfecture de Gunma, avant de déménager dans le village voisin de Kawaba pour profiter d’une eau de source d’excellente qualité. D'ailleurs, le nom de ce village d’environ 3500 âmes signifie littéralement "le lieu des rivières" car pas moins de six cours d'eau convergent dans sa partie sud avant de se jeter dans le fleuve Tone. Autant dire que l’eau ne manque pas !
Dès son origine, Tsuchida Shuzo attire l’attention des habitants de la localité, mais aussi des nombreux visiteurs venus se relaxer dans cette région de sources chaudes facilement accessibles depuis Tokyo. Les volumes de production de la brasserie étaient alors importants, atteignant jusqu’à 3000 gokus (0,5 M de litres/an), pour un saké relativement ordinaire.

brasserie de saké japonais de Tsuchida Shuzo à Gunma
La brasserie de Tsuchida Shuzo fut fondée en 1907 dans la ville de Numata, à Gunma

Ce n’est que très récemment, sous l’impulsion de Yuji Tsuchida, descendant de cette lignée de brasseurs, que la brasserie prit un tournant décisif. Alors qu’il travaillait pour un célèbre éditeur japonais de jeux vidéo (Capcom pour les plus connaisseurs…), Yuji Tsuchida se découvrit une passion pour l’univers des micro-organismes et fut convaincu qu’il devait très vite reprendre l’activité familiale. Un retour aux sources dans lequel il fut accompagné par Genki Hoshino, un jeune Toji de seulement 21 ans à l’époque.
Devant le constat d’une population locale vieillissante et des nouveaux enjeux qui s’imposent au saké, il décida en 2016 de basculer l’ensemble de la production vers la méthode Yamahaï tout en diminuant les volumes. Un changement radical auquel s’ajoute la mise en œuvre de nombreuses dispositions techniques vraiment audacieuses : l’utilisation de "koji fort", la préparation d’un starter de fermentation en méthode Bodaïmoto, l’utilisation de riz à faible taux de polissage (dont certains sont des riz de consommation), et l’emploi de levures sauvages.

Yuji Tsuchida Brasserie de saké japonais de Tsuchida Shuzo
Yuji Tsuchida et Genki Hoshino ont opéré des changements drastiques

Mais loin l’idée pour Yuji Tsuchida de verser dans une quelconque nostalgie. La mise en place ce ces méthodes anciennes a été décidée pour laisser la vie se développer dans la brasserie. C’est son atmosphère tout entière qui s’est ainsi trouvée bouleversée. Les fermentations se déroulent à présent dans un environnement riche d’une puissante levure sauvage et de plus de 140 sortes de bactéries. De quoi inoculer une sacrée complexité aux sakés ! Des sakés qui sont à la fois sophistiqués et racés, uniques à chaque cuvée. Une variabilité superbement maîtrisée qui remet au centre du jeu les notions de millésime et de terroir.

Technique : "koji fort" vs "tsuki haze"
Dans la préparation du koji, le "tsuki haze" correspond à un développement de la moisissure vers l’intérieur du grain de riz, en opposition avec le "so haze" qui se fait en surface. Ce sont les conditions choisies pour la chambre à koji qui permettent cela et le "tsuki haze" est classiquement utilisé dans la production des sakés de type Ginjo et Daïginjo. Le cas de Tsuchida Kimoto Junmaï Ginjo est assez particulier puisque le brasseur ne fait pas de « tsuki haze » mais utilise un "koji fort".

« ...Si l’on veut bien réussir son Kimoto, il faut absolument se concentrer sur la production d'un bon koji qui permet de donner une bonne structure au produit final. La souche que nous utilisons est ancienne et très puissante. Le koji se prépare donc rapidement, une quarantaine d’heure en comparaison avec les 60 heures nécessaires pour le Tsuki Haze. Nous avons remarqué que la préparation rapide permettait d’apporter beaucoup de subtilité et de légèreté à nos sakés ».

LES SAKES

TSUCHIDA KIMOTO JUNMAÏ GINJO
72cl - alc 15% vol
C’est le saké qui a révélé le renouveau de la brasserie de Tsuchida Shuzo. Il correspond à la première cuvée faisant suite à la décision de passer la production en méthode Yamahaï (ce n’est qu’en 2019 que s’opère le changement vers le tout Kimoto et c’est donc ainsi qu’il est nommé aujourd’hui). Un saké Ginjo qui s’inscrit dans un mouvement privilégiant le développement de relations naturelles entre les microorganismes de la brasserie, en opposition au contrôle absolu retrouvé habituellement dans l’élaboration de cette classe de sakés. On retrouve cette volonté avec l’utilisation de cette souche ancienne de koji, peu ou plus utilisée aujourd’hui. Ici pas de "Tsuki Haze", mais ce champignon puissant qui est préparé rapidement.

Bouteille de saké japonais Tsuchida Kimoto Junmai Daiginjo
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Ce fer de lance illustre à lui seul toute la passion que Yuji Tsuchida impulse dans ses projets. On découvre un Ginjo atypique avec un nez net, sur de subtiles notes de yogourt et de banane. La bouche est ronde, avec beaucoup de clarté et de fraîcheur. Elle s’ouvre sur des saveurs fruitées qui se deviennent très complexes, résultat de cet environnement microbiologique particulier à la brasserie. La structure est ample, riche sans être pesante grâce à un umami franc et surtout une belle acidité.
Si vous pensez avoir déjà fait un large tour sur les sakés Ginjo, remettez une donc pièce sur ce Kimoto, vous ne serez pas déçus !

SHIN TSUCHIDA KIMOTO JUNMAÏ
72cl - alc 16% vol

Suite à leur évolution vers la méthode Kimoto, voici le nouveau défi relevé par la brasserie. On est ici sur l’utilisation de riz de consommation avec un polissage faible, à 90% seulement. Le shubo est développé sur une méthode kimoto et la fermentation assurée par des levures sauvages. Le riz étant peu poli, il se liquéfie très lentement et il est délicat dans ces conditions de prévoir avec exactitude le résultat final. La méthode est risquée mais elle est le fondement d’une fascinante complexité, des saveurs remarquablement domptées par la technique du Toji. On approche le saké tel qu’il était produit anciennement, un saké racé, puissant, presque sauvage.

bouteille de saké japonais shin tsuchida
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A la dégustation, le nez de Shin Tsuchida présente des arômes de céréales mêlés de poire. Soyeux en bouche, l’umami est riche, l’acidité franche. Elle amène une sensation juteuse et fraîche. Sous les recommandations de Yuji Tsuchuda, nous l’avons ouvert et laissé plusieurs semaines à température ambiante. Une hérésie diriez-vous ? Il n’en est rien ! Les arômes s’ouvrent sur une complexité incroyable, une puissance maitrisée, dans un superbe équilibre.

Pour découvrir correctement la brasserie, nous vous recommandons de commencer par Tsuchida Kimoto Junmaï Ginjo avant d’aller vers Shin Tsuchida. Vous aurez ainsi une idée de l’évolution de leur travail.